(Article tiré du manuel "Les cartouches pour armes portatives" édition 11-80) de l'Ecole Supérieur et d'Application du Matériel.

L'évolution au cours des siècles.


XIV et XVème siècle:

L'usage des armes se chargeant par la culasse remonte à l'origine des armes à feu c'est à dire au XIV ème siècle, époque de l'apparition de la poudre noire.

Une obturation suffisante contre l'échappement des gaz ne pouvant être réalisé, ce système fut rapidement abandonné et ne subsista que pour quelques armes de luxe et de chasse.

Ces armes se composait de deux parties:
- Un cylindre creux destiné à diriger le projectile.
- Une boîte contenant la charge de poudre noire, maintenue en place par un coin en bois.

Ces deux parties étaient assemblées au moment du tir au moyen de bandes et d'étriers en fer.



Elle avait l'inconvénient d'être très lourde et devaient être soutenue par des chavalets.

XVI, XVII ème et XVIII ème siècle.

Le système adopté alors fut le chargement par la bouche. Il s'effectuait de la façon suivante:



- Introduction de la poudre au moyen d'une "lanterne".
- Introduction de la balle.
- Mise en place de la bourre.

La mise à feu se faisait à l'aide d'une mèche enflammée que le tireur plaçait au contact de la lumière, orifice de poudre noire plus fine. Quand les armes s'allégèrent, on modifia la platine à serpentin connue dès 1378.

Au début, la mesure des charges s'effectuait au moment du chargement. A côté des tireurs se trouvaient des barils de poudre dans lesquels ils puisaient la charge.

Par la suite, la charge mesurée d'avance était placée dans des étuis en bois ou en corne que l'on suspendait aux baudriers; un soldat portait onze charges et, à part, une douzième contenant de la poudre noire très fine servant d'amorce.
Ce système subsistait encore vers 1644.

Les espagnols utilisaient une cartouche à enveloppe en papier dès 1570. Gustave Adolphe de Suède l'adopta pour ses armées et créa la giberne pour contenir les cartouches.

Celles-ci furent utilisées par les français à partir de 1644; en 1684, les armées sont dotées de la giberne.

Pour la mise à feu, l'emploi de la pierre à silex, de laquelle on détachait des étincelles à l'aide d'une pièce en acier nommée batterie, constitua un progrès considérable. Les armes prirent alors le nom de fusil (de focile: pierre en latin).

En 1703, VAUBAN décréta que le fusil serait l'arme unique de l'infanterie. Le premier modèle ne parut qu'en 1717 et fut sans cesse amélioré jusqu'en 1777.

vers la fin du XVIII ème siècle, on découvre les poudres fulminantes et les anglais mettent au point le fusil à percussion qui sera presque immédiatement adopté en France.

1820-1871

L'emploi du silex entraînait environ 20% de ratés. on y remédia par la mise au point des amorces fulminantes en 1818. les progrès sont alors rapides:
1822: Généralisation de l'emploi du fulminate de mercure et mise au point des capsules fulminantes. Trop petites, elles sont difficiles à mettre en place.
1827: Mise au point d'un fusil dans lequel la capsule est mise en place à l'aide de la cartouche.
Vers 1835: Adoption de la capsule par la Prusse (fusil Dreyse), puis par l'Angleterre suivi de la France vers 1841.

Concurremment la balle et la charge vont subir des modifications, 1840 marquant une étape importante avec la mise au point de la poudre à mousquet comme l'indique le tableau ci-dessous.



Un défaut de justesse dans les tirs provenait des mouvements irréguliers de rotation que prenait la balle dans le canon et qu'elle conservait dans l'air.
Apparurent alors les balles à clou et à téton du capitaine NESLER. La tige de la balle à clou empêchait la balle de tourner sur elle-même dans l'âme du canon et jouait le rôle d'ailettes dans l'air. Cette balle se comportait bien jusqu'à 300 mètres. La balle à téton, amélioration de la précédente, conservait une justesse suffisante sur 500 mètres.

On se rendit compte que la solution définitive ne pouvait être obtenue qu'en imprimant au projectile un mouvement de rotation sur son axe. Les canons rayés des armes de luxe du 17 ème siècle le permettaient, mais apportaient pour cette époque une complication considérable dans le chargement de l'arme.
On vit successivement la balle entrée en force dans le canon au moyen d'une tige (1827), puis posée sur un sabot de bois (1839). On lui donna ensuite une forme cylindro-ogivale (1846), puis un culot évidé (1850).

Les carabiniers furent les seuls à être dotés d'une arme rayé jusqu'en 1854, date à laquelle apparaît le premier fusil rayé. La balle qui pesait 47,5 grammes est rapidement ramenée à 32 grammes; la charge de poudre est de 4,5 grammes.
A cette époque on crée la balle expansive qui, grâce à un évidement pyramidal, permet à celle-ci de prendre les rayures du canon (1857).

Simultanément, les difficultés d'obturation pour éviter l'échappement des gaz furent aplanies et la première arme de guerre se chargeant par la culasse fut adoptée en 1841 par les Prussiens. La bataille de Sadowa (1866) démontra les avantages de ce fusil à tir rapide.

La commission de Vincennes est chargée de mettre au point un fusil qui soit à la fois:
-léger pour être manié toute la journée par un homme,
-lourd pour que le recul soit supportable,
-résistant pour supporter les pressions au départ du coup,
-tirant une balle suffisamment lourde pour avoir des effets meurtriers.

Pour répondre à ces critères, apparemment contradictoire, la Commission réalise le fusil CHASSEPOT (1866) qui, dans sa version à chargement par la culasse ne put vaincre les réticences que parce que la supériorité du fusil DREYSE avait été démontré à la bataille de SADOWA.



La cartouche du fusil CHASSEPOT se compose:
-d'un étui formé par une révolution de papier recouvert d'une gaze de soie,
-d'une amorce chargée en poudre fulminante et fixée sur l'étui,
-d'une balle pleine réunie à l'étui par un cône de papier et une ligature.

Elle pesait 31,8 grammes (balle: 25 g,charge: 5,5g,) et portait à 1170 mètres.

Cette cartouche, d'un prix de revient peu élevé et de fabrication facile présentait cependant de graves déficiences.
Elle prenait l'humidité, se déformait et donnait lieu à de nombreux ratés. De plus, elle encrassait rapidement les armes. Ces défauts, dévoilés au cours de la guerre de 1870, entraînèrent son remplacement par la cartouche à étui métallique, à percussion périphérique, elle-même rapidement abandonnée au profit de la percussion centrale (1874; GRAS).

1871 à nos jours

En 1865, le colonel BOXER met au point un étui métallique composé d'une feuille de clinquant enroulé sur elle-même.

En 1874, la France adopte une cartouche à étui métallique en laiton, à percussion centrale, dérivée de la cartouche américaine Berdan.
La balle tronconique à un diamètre de 11 mm et pèse 25 grammes. En 1878, l'intérieur des étuis est verni pour éviter les réactions entre le métal et la poudre. En 1883, on utilise un alliage plomb-antimoine dans la fabrication des balles et en 1885, on chemise la balle avec du cuivre. Ainsi évite-t-on l'emplombage trop rapide des canons. les étuis sont encore très épais (3 mm pour l'étui en laiton de la cartouche Mle 1873), mais ils sont, dans leur conception, tels que nous les connaissons aujourd'hui.



Ces étuis présentent l'avantage d'assurer une bonne obturation au départ du coup et d'améliorer la rapidité de chargement, tous les éléments de la cartouche étant solidaires.

Pour que le tir soit tendu, il faut:
-un projectile de faible poids ayant un profil aérodynamique,
-une grande vitesse initiale,
-une charge de poudre trés progressive.

A partir de 1898, les balles deviennent bi-ogivales à pointe effilée avec un léger méplat. Le Général DESALEUX améliore le profil et préconise le culot tronconique.
Les propriétés balistiques sont nettement supérieures, notamment la vitesse initiale qui passe à 700 m/s. les étuis à bourrelet de 1866 et à épaulement de 1892 font place aux étuis à gorge en 1912.

La guerre de 1914 va amener rapidement la multiplication des modèles de balles pour répondre à tous les besoins du combat; la balle perforante contre les boucliers de tranchées et les blindés; balles traceuses pour le tir à partir d'avions; balles incendiaires pour lutter contre les ballons, ect...

En 1924 apparaît la cartouche de 7,5 mm qui va, pour longtemps, servir de modèle. Son poids est de 9 grammes; l'amorce est maintenue par rabattement du métal dans le logement de l'étui; la balle est sertie dans le collet de l'étui.
Cette balle est formée d'un noyau en plomb durci à l'antimoine et chemisée de maillechort. L'étanchéité de l'amorce et du collet est assuré par un vernis.

Depuis cette date, les cartouches sont fabriquées sur ces mêmes principes. Les quelques modifications ne sont que mineures:
-1929: adoption d'un étui légèrement tronconique,
-1947: adoption du calibre 12,7 mm,
-1950: mise au point d'un nouveau calibre (7,62 mm),
-1952: fabrication d'étuis en acier.

La dernière amélioration porte sur la mise au point de la cartouche de 5,56 mm, légère mais animée d'une très grande vitesse initiale.